J'ai lutté avec Dieu contre le cancer... et nous avons VAINCU !

Mes parents m'ont élevé dans la foi : "Messire Dieu, premier servi", m'a toujours dit maman. Papa me disait : "Quand tu vas à l'église, mets-toi en costume, car si tu pouvais aller voir le Président de la République, tu irais en costume. Tu vas rencontrer ton Dieu le dimanche, tu te mets en costume". Nous étions sept enfants à la maison. Maman ajoutait régulièrement une assiette à la table, pour le pauvre. Quand il n'y avait pas de pauvre, elle allait le chercher dans la rue. "Ce que tu as ne t'appartient pas. C'est Dieu qui te l'a confié", disait maman. "Donne, donne encore, sois toujours généreux". Ma voiture, ma maison, je les ai toujours mis à disposition de l'autre. Mes biens me sont confiés, ils ne m'appartiennent pas. J'ai passé ma vie sous la bénédiction, comblé, y compris des biens de ce monde. Je donne, je donne et Dieu me comble toujours. Au travers des poèmes que j'écris, je donne, je me donne. Dieu me comble en retour de tant de bonheurs. Merci à toi, Seigneur de ma vie...

En ce jour de juin 2008, je consultais mon allergologue pour mes allergies et mes maux de tête incessants. J'étais loin d'imaginer ce qui m'attendait. Je prendrai conscience plus tard que j'allais devoir mener un combat terrible contre un adversaire redoutable et sans pitié, et que mon être tout entier allait devoir se mobiliser pour se défendre. Un face à face mortel était engagé. Jamais pourtant je n'ai été seul. "Chimiothérapie, Radiothérapie" me dit le chirurgien ORL de Strasbourg en ne quittant pas des yeux le scanner. Le mot maudit n'a pas été prononcé, ce jour là, ni les jours suivants, ni durant les quatre années de combat, par aucun personnel soignant. Sortant de l'hôpital j'ai téléphoné à mes proches : "J'ai un cancer", "Je vais me battre". Dans ma voiture j'étais perdu, je ne savais pas quoi penser. Je n'imaginais pas le chemin à parcourir. J'entrais dans une zone remplie de nuages. Quels traitements ? Combien de temps ? Où ? La durée ? Les effets immédiats ? Les effets secondaires ? Quelle va être ma vie ? Dans quel état je vais être ? Je vais beaucoup souffrir ? Je vais être accompagné comment ? Comment je vais vivre ? Ma femme, mes enfants, mon job, que va-t-il se passer ? La plupart de mes questions n'avaient pas de réponse.

C'est une tumeur cancéreuse. J'apprendrai beaucoup plus tard que le pronostic n'était pas positif. Elle était située à proximité du cerveau, rare, invasive et très agressive. Les traitements pour la combattre n'étaient pas standardisés. Les chances de survie méconnues. Jamais pourtant je n'ai été seul... J'engageais le combat fin juin 2008 par une semaine de chimio à Strasbourg, en hospitalisation et traitements 24h sur 24h. Suivaient deux semaines de récupération puis une nouvelle semaine de chimio, jusqu'à fin août. J'ai le souvenir de cette infirmière de nuit, en sueur et un peu paniquée. Elle venait me brancher une poche supplémentaire et le robinet fixé sous mon poignet était bloqué par le sang. Elle avait peur de tout débrancher et m'a demandé de tenir fermement mon doigt appuyé sur la transfusion pour l'empêcher de sortir de la veine. A demi-conscient et en douleurs, je m'exécutais et lui parlais pour la rassurer. Nous étions mal, tous les deux. La peur m'envahissait peu à peu dans cette lente descente aux enfers qui s'amorçait dès cette première nuit.

Puis vint une première anesthésie générale pour la pose du portacat. 60 jours et 60 nuits de traitements lourds. Au menu quotidien : nausées, perte de cheveux, vomissements, perte d'appétit puis perte de poids et perte d'énergie. Peurs, détresses, angoisses, découragements, pleurs parfois. Solitude sur ce chemin de douleurs et de danger. Pas un jour n'a été semblable, pas une douleur identique à la précédente, pas une semaine comparable à l'autre. Pas une nuit de paix. Exsangue, funambule dans le monde des vivants, je survivais errant au milieu des miens. Somnambule intouchable, enfermé parmi les malades. J'ai mené le combat. Jamais pourtant je n'ai été seul... L'inconnu du lendemain, c'est très dur.

En septembre, les médecins ont mis en place la radiothérapie : 47 jours, 47 séances de thomothérapie à Strasbourg. Levé 5h du matin pour arriver à l'hôpital avant les grands embouteillages. Je me souviens de mes frères et sœur qui chaque jour vers 6h m'envoyaient un texto sur le saint du jour avec une périphrase : "A la saint Julien, je n'ai peur de rien ! ", "A la saint Julien, je fais le malin ! ", "A la saint Julien, siffle le train". Dans le taxi, assis à côté du chauffeur, nous rigolions et nous répondions. Moments de joies volés avant de retrouver les rayons, se retrouver en immobilité totale, masque sur le visage, attaché, pas le droit de bouger la tête 25 minutes durant. Ce n'est pas douloureux les rayons, ce qui est terrible c'est de discuter avec des enfants en attendant son tour. Ce qui est terrible, c'est de ne pas savoir ce que font ces irradiations, leur efficacité, leurs nuisances. Ça détruit beaucoup de cellules, les rayons. Le traitement a pris fin le 25 octobre 2010. Le jour même, avec la bénédiction des médecins, je m'envole avec les miens pour 15 jours en Thaïlande... mais je fais un malaise au décollage. Trois jours avant la fin du voyage, nous reviendrons en urgence, pneumopathie pronostiquée. Le combat de 2008 se termine, je suis épuisé. Il va falloir récupérer, récupérer. Je sors vainqueur, la tumeur a diminué ! Jamais pourtant je n'ai été seul...

Le rapport d'expertise de septembre 2009 pointe la liste des effets secondaires que je vis quotidiennement : fatigue extrême, tonicité en dents de scie, irritabilité, équilibre peu stable, insomnies fréquentes, difficultés à retenir l'attention, baisse de la vue, maux de tête constants, perte du goût et de l'odorat, perte d'audition totale à droite avec appareillage rendu nécessaire, tympan percé, dents touchées à droite avec enlèvements à prévoir, crampes, sensibilité diminuée aux extrémités. Les contrôles ORL sont déclenchés toutes les six semaines. Les IRM se suivent tous les trois mois d'abord puis tous les 6 mois. En janvier 2010, Le scan montre une masse de 4.2 x 3.2 x 2.4 cm et mentionne une stabilité de l'extension. Les victoires sur la tumeur apparaissent avec l'arrêt de l'extension et la diminution de sa taille. Je vivrais alors le grand moment de l'annonce d'une tumeur nécrosée, c'est-à-dire morte. Même si la masse subsiste, elle est désormais totalement inactive. OUF Merci mon Dieu. Maintenant il faut stabiliser, stabiliser. Jamais pourtant je n'ai été seul...

L'année 2010 est caractérisée par les successions de visites et rapports médicaux visant à lutter contre les douleurs, à en diminuer les effets. Médicaments puissants, centres anti-douleur. Il faut faire cesser ces douleurs, il faut dormir, il faut faire cesser ces angoisses, il faut tenter de revivre. Un grand coup de tonnerre s'abat sur moi en octobre 2010 quand la Cie d'assurance annonce qu'elle cesse désormais toute prise en charge, elle me considère comme stabilisé. Je suis abasourdi, effondré. Comment dire cela alors que je suis incapable de travailler. L'angoisse m'envahit profondément, comment vais-je survivre financièrement, jusqu'à quand mes économies me permettront-elles de tenir ? Faudra-t-il nous contraindre à vendre la maison ? L'angoisse occupe désormais mes jours et mes nuits. Je n'imagine pas une seconde que le cancer recommence. Jamais pourtant je n'ai été seul...

2011, l'année terrible. Les coups de tonnerre s'enchaînent. Février, intervention chirurgicale sur les deux sinus enflammés par le pus. Mai, hospitalisation à Strasbourg en clinique chez un neurologue pour le traitement du sommeil. Mai encore, hospitalisation à Mulhouse pour une colique néphrétique. Juin, le diagnostique s'abat comme une massue : récidive ganglionnaire nécessitant une lourde opération avec sacrifices de muscle et de nerfs. L'opération me laisse profondément abîmé, avec une corde vocale paralysée, l'épaule bloquée et plusieurs autres effets secondaires. La morphine à doses intensives suffira à peine à calmer les douleurs et le traumatisme. La sortie de cette intoxication de la drogue sera difficile, longue et éprouvante. Fin août, le pet scan fait apparaître des métastases au foie. Je ne suis même pas remis de l'opération. La nouvelle me bouleverse. Ce mois d'août terrifiant, ma vie a basculé. Pourquoi ? Criais-je, hurlais-je, pourquoi ? Quand vais-je mourir ? Je vais encore beaucoup souffrir ? Elle ne se profilait plus, la mort, elle était là, en face de moi, certaine. Je préparais mon testament, informais ma famille en essayant de paraître calme, sans tromper personne. L'enfer habitait la maisonnée. J'ai alors remis ma vie passée en cause, j'ai écrit et poser mes ruptures, mes colères. Les causes de la maladie sont multi factorielles. J'ai tout remis à plat. Je me suis effondré, j'ai lu beaucoup de livres importants, j'ai prié, j'ai travaillé dur et j'ai décidé de changer. Changer pour se sauver, se sauver pour revivre, pour renaître, pour naître de nouveau. J'ai demandé pardon et je me suis remis en route.

Les chimios ont redémarré en septembre, jusqu'à la dernière, en pleine semaine de Noël. 5 lourdes chimios. Nous ne pouvons en faire plus me dirent les médecins, le cœur ne tiendra pas. Espérons qu'elles seront efficaces et permettront l'intervention, sinon nous n'avons pas de plan B. Il me faut vous dire que la guerre a été totale, l'engagement sans merci et que j'ai toujours su que la moindre baisse de garde pourrait m'être fatale. Chaque jour je me levais fermement, décidé, quel que soit mon état. Le guerrier devait combattre, le mental intraitable, chaque pas une victoire, une journée une bataille. Relever la tête, ne pas sombrer, se battre pour la gagne. Jamais pourtant je n'ai été seul... J'ai le souvenir de cet après midi de novembre 2011, en traitement chimio à la maison. Une brusque nausée m'a saisi et j'ai couru vers la salle de bains. Emmy en bas, a entendu un grand boum. Elle s'est précipitée et a découvert son papa allongé par terre inconscient qui ne répondait pas à ses appels angoissés. Ils découvriront plus tard qu'en plus je m'étais cassé une côte. Emmy a été très courageuse ce jour là. Après avoir appelé sa maman au téléphone qui travaillait, elle m'a relevé et m'a raccompagné à mon lit de douleurs. Me tenant la main, elle m'a consolé.

Les chimios ont marché ! Alléluia ! L'opération devient possible. Réalisée fin janvier 2012 par Le professeur Bachelier, Monsieur Le Professeur, un des grands spécialistes hépato en France. Ablation partielle du foie gauche, ablation de la vésicule biliaire, curage du pancréas. 6 heures au bloc, 8 jours de soins intensifs puis 10 jours dans le service. Ce fut une réussite. Merci Seigneur. Jamais pourtant je n'ai été seul... Le 16 mai 2012 à 16h, le Docteur Borel, oncologue à Paul Strauss et qui me soigne depuis 4 ans me dit : "Je suis depuis ce matin dans une longue série d'annonces de mauvaises nouvelles. Mr Davin, vous venez d'interrompre la série…". J'ai peine à comprendre. En mon for intérieur je lui dis : "Abrège, abrège, viens au fait, dis moi, vite !". Un sourire radieux illumine son visage : "Regardez l'écran, c'est incroyable, il n'y a plus rien ! . Mon regard se fixe, ses paroles raisonnent comme un bourdonnement, je n'entends plus, je ne vois plus rien, je ne marche plus, je n'existe plus. Je sors de la pièce comme un automate, je luis sers la main, le remercie.

Mon Dieu, jamais tu ne m'as laissé seul. Merci, ce n'est pas assez de vous dire merci, vous qui êtes ici, tous. Vous m'avez porté, vous m'avez accompagné, vous avez prié, vous m'avez regardé, vous m'avez touché, vous m'avez donné à manger, vous m'avez chéri, vous m'avez soigné, vous m'avez tenu les mains, vous m'avez souri, vous m'avez soutenu, vous m'avez écouté, vous avez pleuré, vous avez partagé mes souffrances, vous m'avez sorti de l'effroi, vous m'avez tenu à bouts de bras. Vous avez formé mon nuage sur lequel j'ai pu me reposer, m'apaiser, me ressourcer et espérer. Chacun parmi vous a été le maillon de la chaîne qui m'a tiré de l'abîme. Gloire à Dieu. Merci à chacun. Je ne peux terminer sans évoquer l'image de cette infirmière de nuit qui est venue m'apaiser quelques instants, dans un moment de grandes douleurs. Ses yeux exprimaient toute la compassion du monde. Elle s'est évanouie dans la nuit en m'endormant. Je ne l'ai plus revue. Cette autre nuit d'octobre 2008 où j'ai appelé Dieu à l'aide, je pleurais : "Je n'en peux plus. S'il te plaît, viens, maintenant, pas demain, viens maintenant !". 5 minutes après, la douleur avait disparue. J'ai compris à ce moment là qu'il y aurait certainement d'autres douleurs et qu'IL serait toujours là. Il me suffisait de l'appeler.

Enfin et pour finir, je voudrais vous demander pardon pour les mots durs, les cris, les incompréhensions, les nombreux jours de ténèbres où j'étais odieux, insupportable, inabordable, incohérent et où je vous ai fait du mal. Je n'en ai pris conscience que tout récemment… vous avez dû en baver avec moi ! Il y a quelques mois, un médecin m'a interpellé : "En 2008 vous avez foncé dedans, la bagarre, le combat. Vous avez gagné la bataille mais vous n'avez rien changé à votre vie. Maintenant vous avez changé, vous avez compris".

Le poète nous dit : "L'essentiel est de guérir. Tu peux mourir maintenant mais il faut guérir d'abord".

Je suis guéri et je suis vivant.

MERCI

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(Romains 1.16)

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