Le trébuchet du seigneur rouge.Chapitre6

Le trébuchet du seigneur rouge.Chapitre6
Chapitre 6

- Mais qu'est-ce que je fais ici? J'avais pourtant bien décidé de ne pas revenir. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut m'expliquer pourquoi je suis de nouveau avec vous deux dans ce pays imaginaire?
- Je vais t'en donner la raison, July-Anne.
- Maître Bèdia, vous êtes là!
- Oui, et si tu te trouves avec ton frère et ta sœur dans ce lieu, c'est que tu y as pensé, d'une manière ou d'une autre, avant de venir.
- Non! Au contraire, j'avais décidé de ne plus me laisser embarquer dans cette histoire et je me suis endormie sans penser à rien d'autre que mes examens qui approchent. Je ne comprends pas...
- Réfléchis bien! Quels ont été tes derniers mots?
- Je me suis moqué de ma sœur à propos des bonbons qu'elle comptait prendre avec elle.
- Tu vois, j'avais raison! Il est avec moi mon sac et il nous sera bien utile. Na! C'est bien fait pour toi!
- Tais-toi, Justine. Non, maître, je ne vois pas en quoi cela pourrait avoir un rapport avec votre monde.
- Tu n'as vraiment rien dit d'autre à ta sœur?
- Non... enfin, j'ai fait un jeu de mot sur les souris, enfin, je veux dire les chauves-souris, parce qu'elle me parlait des Monts Chauves.
- Eh bien, voilà le lien!
- Comment cela?
- Cette région montagneuse est justement connue pour ses renards volants.
- Cela ne vole pas les renards! Qu'est-ce que vous me racontez?
- Si, July, maître Bèdia ne parle pas de renards comme tu le comprends mais d'une espèce de chauve-souris géante qui peut atteindre plus d'un mètre cinquante d'envergure.
- Comment tu sais cela, Joachim?
- J'ai vu, il y a quelques mois, un reportage à la télévision sur ces animaux étranges, de la famille des méga-chiroptères, si je me souviens bien.
- Bon, d'accord, mais je ne savais pas que ces bestioles vivaient dans les Monts Chauves. Alors, cela ne compte pas!
- Bien sûr que si! Tu vois, July-Anne, un simple lien, la plus petite pensée, le plus petit élan t'ouvre et t'ouvrira les portes de ce royaume. Il faut si peu pour y pénétrer, mais je dois vous avouer qu'il faut parfois beaucoup pour en sortir.
- Qu'est-ce que vous voulez dire par là, maître Bèdia? Vous croyez que la nourriture que j'ai prise ne sera pas suffisante ou qu'un méchant monstre va nous attraper et nous faire prisonniers?
- Je ne sais pas, Justine. Je ne peux pas présager de l'avenir. Tout ce que je sais, c'est que nous avons besoin de vous et que cela ne sera pas sans dangers.
- Cela ne fait rien, maître Bèdia, je serai courageuse ainsi que mon grand frère et ma grande sœur.
- Brave Justine, je n'en doute pas. Mais il vous faut maintenant partir et traverser cette forêt jusqu'à son extrémité orientale. Suivez ce sentier qui descend et vous trouverez à une demi-journée une stèle que vous contournerez par la gauche pour ensuite poursuivre votre route au sud-est.

De la tête et de la main, le vieil homme se tourne vers l'impressionnante masse verdoyante qu'il leur faudra franchir. Les enfants respirent un grand coup et sans plus dialoguer, sinon par des regards destinés à s'encourager mutuellement, se mettent en route pour une aventure particulièrement étrange. Ce monde ressemble beaucoup au leur. Cependant, il est si étrange quand à certains aspects dont ils peuvent discerner les différences, mais avec la perception limitée de leur âge et de leur sens humains. Tant de choses leur échappent! Et pour se lancer dans cette expédition, c'est sans doute mieux comme cela.

Voilà déjà plus de trois heures qu'il s'épuisent à suivre un sentier à peine visible et tortueux. Au début, les filles s'étaient émerveillées des grandes passiflores, des petits lézards qui filaient sous leurs pieds à leur passage, des oiseaux aux ramages bariolés et aux cris amusants, pendant que Joachim cherchait quelques vestiges d'une éventuelle civilisation, quelques ruines recouvertes de végétation luxuriante. Peu à peu, la fatigue, la moiteur, la lassitude alourdissent leurs pas et augmentent le nombre d'arrêts où ils sont bien contents des sucreries que Justine a pris soin de prendre avec elle.

- Joachim, tu crois qu'on est encore loin? Parce que moi, je n'ai presque plus de bonbons. On va être bientôt à court.
- Ne t'inquiète pas Juju, la stèle ne devrait plus être loin, et j'imagine que cela fera, quand on y sera arrivé, une bonne première étape. On pourra repartir de là, la nuit suivante.
- Qu'est-ce que tu en sais, Monsieur le méga-chiroptère?
- Oh! ça va, July, ne recommence pas. Je sais que tu n'aimes pas marcher, mais c'est différent dans ce cas. On est en pleine aventure, et quelle aventure!
- Tu parles, on est entrain de se fatiguer alors qu'on dort. On marche alors qu'on est couché! On dort alors qu'on marche en pleine forêt! C'est une véritable histoire à dormir debout!
- C'est toujours mieux que de dormir à côté de l'histoire, de passer à côté de ce qui est important, de rater le coche en quelque sorte.
- Regardez! Jo! July! Regardez! La stèle, elle est là!
- Enfin, c'est pas trop tôt. Si tu as raison, Joachim, on rentre à la maison très bientôt.
- C'est tout juste, je n'ai plus qu'un nougat. Hop! Je l'avale et c'est parti! Rattrapez-moi, si vous le pouvez?

Pendant que Justine court à travers les feuillages qui lui barrent l'accès à cette stèle imposante, Justine soupire de soulagement tandis Joachim sourit à l'idée de ce qu'il peut y avoir au-delà de cette stèle.

Quelques minutes plus tard, les trois jeunes aventuriers regardent, font le tour, montent et descendent de ce rocher taillé en forme de pyramide et où sont gravés des dessins mystérieux.


- On dirait un cuberdon géant.
- Justine, tu ne penses qu'à manger. On est là pour tout autre chose.
- Oui, mais en attendant tu étais contente avec Joachim de grignoter ce que j'avais pris.
- Cuberdon ou pas, il va falloir décider ce qu'on fait maintenant, les filles.
- J'espère que tu n'envisages pas de poursuivre!
- Si July, à gauche de la stèle a bien dit Bèdia. Regarde, il y a bien un sentier de ce côté-là.
- Êtes-vous sûr que vous ne vous trompez pas?
- Qui êtes-vous? Et par où êtes-vous arrivé?
- Je suis Didyme, l'hôte et le gardien de cette forêt. Je la connais mieux que personne et si je peux vous être utile en quoi que ce soit, j'en serais ravi.
- Nous venons de la maison de maître Bèdia et...
- Tais-toi, Justine, nous ne connaissons pas cet homme.
- La demoiselle a raison, c'est pourquoi je vous propose d'accepter mon invitation à prendre un peu de repos dans mon humble demeure. Nous pourrions ainsi y faire plus ample connaissance.
- Non, Monsieur, avec mes sœurs, nous ne devons pas nous attarder. Nous n'avons, en effet, pas de temps à perdre, on nous attend.
- Et où cela donc?
- Quelque part.
- Et plus précisément?
- Loin d'ici.
- Ce lieu porte-t-il un nom?
- Probablement.
- Vous ne voulez donc pas m'en dire plus?
- Non, je suis désolé, mais je ne peux pas satisfaire votre curiosité.
- Soit, mais permettez-moi de vous dire que vous alliez vous tromper de direction.
- Comment pouvez-vous le savoir vu que nous ne connaissez pas notre destination?
- Je vous ai entendu, jeune homme. Vous disiez que vous deviez partir sur la gauche du mémorial. - Or, c'est la droite que vous indiquiez à vos sœurs.
- Non, vous vous trompez. Nous sommes arrivés depuis ce côté, et la gauche est bien par là.
- Sans vous offusquer, je maintiens que vous êtes dans l'erreur. Votre plus jeune sœur a pris une autre voie pour y arriver. Elle a coupé à travers le bosquet tandis que vous avez contourné ce bosquet pour finalement atteindre le même endroit. Or, le sentier que vous indiquiez ne pourrait que vous ramener à votre point de départ. Si donc, vous voulez faire marche arrière, empruntez-le. - Maintenant, regardez bien par ici et vous constaterez un autre sentier, là derrière ces arbustes. Celui-là est le bon.
- Pourquoi serait-il le bon?
- Parce ce que c'est le seul qui existe, à part le premier qui, je vous le rappelle, rejoint celui que vous venez d'emprunter, dans les environs. A moins que vous vouliez vous perdre, je vous conseille fortement de le prendre.
- Je ne sais pas si nous devons vous faire confiance. J'hésite.
- Vous ne devriez pas, mon ami Bèdia vous dirait la même chose.
- Vous connaissez le maître.
- Fort bien, il n'est pas rare que nous partageons quelques moments au coin d'un bon feu aux sons de ma flûte et de son cornet à bouquin.
- C'est qu'il nous a justement dit de nous méfier en chemin.
- Je le comprends et l'approuve. Il est dangereux de suivre n'importe quel individu ou conseil. Vous remarquerez que je ne me suis d'ailleurs pas vexé de votre réticence. Je voulais, de tout cœur, vous être en aide. Et j'aurais été bien triste de ne pas vous avertir alors que je sais qu'il n'y a pas d'autre voie à prendre que celle que je vous ai indiqué.
- Je ne sais plus quoi penser.
- Écoutez ce que votre cœur vous dit, c'est ce qu'il y a de plus sage.
- Joachim, je pense que tu peux lui faire confiance.
- Tu crois, Juju, qu'on devrait l'écouter?
- Oui, ce gentil monsieur est patient avec nous et il semble vouloir nous aider. Nous ne devons pas voir des ennemis partout. Il y a aussi des gens bien intentionnés.
- Bon, et toi, Justine, qu'est-ce que tu en dis?
- Moi, c'est comme vous voulez, du moment qu'on en finisse au plus vite.
- Monsieur Didyme, veuillez nous excuser, nous suivrons donc votre conseil. Il ne faut pas nous en vouloir mais...
- Je comprends fort bien et soyez assurés que je ne vous en veux aucunement. Je suis même heureux que vous ayez finalement pris la bonne décision. C'est là tout ce qui compte. Et si vous revoyez par la suite notre ami commun, ne manquez pas de lui remettre mes chaleureuses salutations.
- Nous ne le ferons certainement.
- Bien, je pense qu'il est temps que vous partiez, vu que vous m'avez dit que vous étiez pressé. Ne tardez pas car la nuit va bientôt tomber. L'obscurité survient rapidement en cette saison. Êtes-vous sûrs que vous ne préféreriez pas loger chez moi cette nuit? Vous pourriez repartir renouvelés dans vos forces dès l'aube.
- Non, merci. C'est déjà beaucoup que vous nous ayez remis dans la bonne direction.
- Bien, jeune homme, que la paix soit dans ton cœur et que votre chemin soit jalonné de découvertes et d'émerveillements.

Repartis depuis trop longtemps pour July-Anne, les jeunes aventuriers commence à se poser des questions. Avaient-ils bien fait d'écouter cet homme? N'auraient-ils pas dû suivre l'autre sentier? Après tout maître Bèdia ne les avait-il pas mis en garde contre des agents du seigneur rouge qui pourraient les faire dévier du bon chemin? Ces questionnements et d'autres fourmillent dans leur tête jusqu'à ce que Joachim se décide à exprimer à voix haute sa perplexité.

- Je ne sais pas si on a bien fait?
- Pourquoi tu ne l'as pas dit plutôt?
- Je ne sais pas July, et toi qu'est-ce que tu penses?
- Que c'était ton idée de partir dans cette direction et que tu t'es sûrement trompé!
- Comment ça mon idée, tu étais d'accord, si je me souviens bien.
- Je n'ai rien dit, j'ai juste suivi.
- Donc, tu étais d'accord! C'est bien ce que je dis.
- Ce n'est pas la même chose.
- Si! Tu n'as émis aucune objection quand nous nous sommes remis en route.
- Pourtant...
- Pourtant, quoi?
- Il me semblait que nous aurions dû prendre l'autre sentier.
- Et pourquoi n'as-tu rien dit?
- Tu semblais décidé et... je ne sais pas... et...
- Allez, et quoi?
- Ce monsieur Didyme est assez beau garçon. Je ne pourrais d'ailleurs lui donner un âge...
- Nous y voilà! C'est toi qui t'es laissée charmer et, à la fin, c'est moi qui suis le naïf!
- J'ai pas dit cela.
- Si! Cela revient au même.
- Arrêtez de vous disputer, moi, Justine, je dis qu'il n'y a qu'à rebrousser chemin et à revenir à la pyramide.
- C'est une bonne idée, petite sœur, et toi, grande sœur, tu n'y vois pas d'objection dans ta grande clairvoyance. Est-ce que cette décision t'enchante tout autant que la rencontre avec Monsieur Didyme?
- Oh! ça va! On retourne en arrière et on verra bien ce qui arrivera.

Moins de dix minutes plus tard, le sentier qui, à l'aller, avait paru unique, présente deux autres possibilités!

- Aïe! Je n'avais pas vu ces deux autres chemins. Et toi, July?
- Non. Il faut dire qu'ils étaient bien cachés par la végétation. Ils ne sont visibles que lorsqu'on les regarde dans ce sens. Qu'est-ce qu'on va faire?
- Je ne sais pas. A gauche? A droite? Tout droit?
- Tout droit, moi, Justine, je dis tout droit.
- Ce n'est pas aussi simple, sœurette, on peut très bien être passé par celui est tout à gauche maintenant et que les deux autres sentiers aient été sur notre gauche à notre premier passage, ou l'inverse.
- Moi, Justine, je vous dis tout droit!
- Arrête avec tes « moi, Justine ». Je te dis que ce n'est pas aussi évident que cela.
- Eh bien, moi, July-Anne, je dis comme ma sœur, tout droit, en avant marche!

Cinq minutes plus loin, trois nouvelles directions se présente à nouveau.

- Tout droit!
- Oui, tout droit!
- Bon, ça va les filles, je vous suis.

Moins de deux cent mètres après cette décision, un autre choix, mais maintenant de quatre directions différentes, se pose et même s'impose.

- Stop! Mes pieds, mes jambes, mon estomac, ma tête, tout dit stop! Stop! Stop!
- July, ce n'est pas le moment de craquer!
- Je ne craque pas, je m'arrête!Je vais bien finir par me réveiller. L'aventure va bientôt se terminer, d'une manière ou d'une autre. Le jour va forcément arriver.
- C'est plutôt la nuit qui arrive!
- Non, Justine, n'oublie pas que l'on est dans notre chambre et que tout ça n'existe pas vraiment.
T'en es sûre?
- Mais réfléchis un peu!
- D'accord, mais je pense que ce monde existe aussi.
- Elle a raison, July, nous ne sommes pas ici par hasard et ce que nous vivons n'est pas dans le domaine des doux rêves.
- Doux rêves, certainement pas! C'est plutôt le cauchemar, le « je ne sais pas quoi » de complètement dingue, le dérapage de méninges, le surmenage du ciboulot, la déglingue de la réalité, le sommet de l'absurde, le fond des histoires sans queue ni tête, l'abîme de la déraison, la forêt de l'embrouillage des idées, le royaume des inepties, le carrousel des zinzins, la valse des neurones, la samba du cerveau, la salsa des gagas, le tango des cinglés, et j'en passe...
- Si je comprends bien, tu n'en peux plus!
- Oui, et même je n'en veux plus!
- Venez! Venez vite voir! Jo! July! Que c'est beau!

Justine s'était avancée pendant leur discussion et avait atteint les berges d'un magnifique petit lac bordé tout alentour d'imposants arbres de la forêt. La nuit tombe alors sur ses eaux paisibles et le reflet argenté de la lune offre un spectacle apaisant.

- Que c'est beau! Que c'est beau! Que c'est beau!
- OK, Juju, on a entendu et on le voit.
- Jo, regarde, là tout autour du lac! Il y a plein de sentiers. Ils arrivent tous au lac! Cette fois, on est vraiment perdu!
- Ne t'inquiète pas July, on va s'en sortir!
- Moi, Justine, je vais aller tremper mes pieds dans l'eau. Vous venez?
- Sans moi!
- Ni moi non plus!

Pendant que sa jeune sœur s'éclabousse en s'amusant et que son frère marche le long de la rive pour trouver une solution, July-Anne fixe du regard le centre du lac. Dans sa tête, plus rien n'existe, juste l'onde qui démarre du milieu de l'étendue d'eau. Tiens! Comme c'est étrange, d'où peut bien provenir ce mouvement? L'adolescente se redresse et s'approche du bord. Elle enlève ses chaussures et pour la première fois elle se demande pourquoi elle n'est pas en pyjama. Comment se fait-il qu'elle soit habillée alors qu'elle devrait être partie pour ce monde étrange depuis son lit? Après tout, c'est un rêve, tout y est donc possible! Elle décide alors de plonger et de nager, pour se changer les idées et atteindre le centre du lac d'où part ces mini-vagues. Justine qui ne s'était pas risquée plus loin que ses genoux, la regarde et, estimant que cela doit être rigolo de nager à la nuit tombée – elle avait toujours rêvé de faire un bain de minuit – se lance aussi à l'eau. Soudainement, après quelques brasses de l'une et de l'autre, un courant circulaire se met à les emporter irrésistiblement vers le milieu. Des cris s'échappent et résonnent dans la cuvette!

- Au secours! Au secours!
- Jo, viens vite! Je me noie!

Joachim, se précipite alors vers ses deux sœurs et est, de la même manière, emporté vers une mort par noyade.

C'est ce qui leur serait advenu. Mais, sans que l'on sache d'où elle pouvait provenir, une barque conduite par un homme à la cape sombre vient les recueillir à l'extrémité de leurs forces et de leurs espoirs de s'en sortir.

De nouveau sur la terre ferme, peu à peu, ils reprennent leurs esprits autour d'un feu qui semble tout aussi survenir de nulle part. Et là, quelle surprise!

- C'est vous!
- Non!
- Si! Vous nous avez trompés. Pourquoi?
- Vous faites erreur. Jeune homme, je ne vous ai jamais rencontré auparavant. Ni vous, ni ces demoiselles.
- Monsieur Didyme, comme pouvez-vous dire cela?
- Je vois!
- Qu'est-ce que vous voyez?
- Vous avez fait la connaissance de mon frère.
- De votre frère?
- Je m'appelle bien Didyme, mais sachez que cela signifie « Jumeau ». Nous sommes dons deux au départ, mais, je vous rassure, il n'y a que le nom qui est identique. Nous sommes très différents.
- N'essayez pas de me tromper encore! Vous m'avez déjà roulé et nous nous sommes perdus, nous avons même failli mourir dans ce lac.
- Pourtant, je vous assure que je ne suis pas mon frère.
- Vous n'avez peut-être pas de frère du tout.
- Hélas, si! Et je constate que vous avez découvert une partie de sa personnalité. Il est menteur et manipulateur, lâche et cruel à la fois.
- Qui me dit que vous n'essayez pas de me manipuler avec votre explication qui ne tient pas debout!
- Je vous ai sauvé alors qu'il vous a fourvoyé.
- Et si cela faisait partie de votre plan, d'une tactique pour nous tromper jusqu'à votre prochaine perfidie?
- Tais-toi, Joachim, Monsieur a raison, ce n'est pas lui que nous avons vu cet après-midi.
- Qui a dit ça?
- Moi, Justine!
- Comment peux-tu en être certaine?
- Tantôt, près de la pyramide, j'ai laissé tomber un bonbon, le dernier que j'avais, et je me suis abaissée pour le ramasser. C'est là que j'ai vu que le monsieur Didyme qui nous parlait avait deux orteils en moins au pied droit. Et celui qui nous parle, à tous ces doigts de pieds. Il n'ont quand même pas repoussés!
- Je pense comme Justine.
- Pourquoi, July?
- Il est tout aussi joli mais il n'use pas de son charme pour nous convaincre.
- Et cela te suffit?
- Oui!
- Je veux bien moi, mais on s'est déjà fait attraper une fois.
- Mettez-moi à l'épreuve. Posez-moi une question, jeune homme.
- Je veux bien, mais je ne sais pas quoi.
- Qu'est-ce que je pourrai vous dire pour vous convaincre?
- Je n'en sais rien.
- Eh bien, moi, j'aimerais avoir des détails sur ce lac.
- Justine, c'est bien cela votre prénom?
- Oui!
- C'est une triste histoire que celle-là. On appelle cet endroit le lac des soupirs ou celui du découragement. Il n'y a pas bien longtemps, c'était une carrière d'où l'on retirait des pierres pour construire les routes du royaume. Au fil des années, il a fallu creuser de plus en plus et les ouvriers eurent de plus en plus de mal à la tâche. Ils finirent par se décourager et refusèrent de continuer à travailler. Ils se disaient que cela ne valait plus la peine. Mon frère et moi, nous étions contre-maitres et nous avions ordre de veiller à la bonne tenue de l'entreprise. Seulement, depuis notre enfance, il a toujours voulu devenir un personnage important. Ainsi, à mon insu, il est allé plaider sa cause devant le seigneur rouge afin d'obtenir les pleins pouvoirs sur la promesse qu'il serait ensuite anobli. Il est revenu avec l'arrogance et l'assurance de se faire un nom décuplées. J'ai bien essayé de l'avertir, mais il a plus rebuté les ouvriers qu'il ne les a encouragé à reprendre leur besogne. Alors, au lieu d'envoyer une délégation à la cour royale pour présenter leurs doléances, se disant que cela ne servirait à rien, ils se sont laissés aller à l'abattement et même, pour certains, à la violence. Mon frère trouva dans ces circonstances l'occasion tant attendue d'asseoir son pouvoir et il réprima ces mouvements d'humeur avec cruauté. Les hommes se révoltèrent et, un jour, je m'en souviendrai toujours, c'était un vendredi, ils se rassemblèrent avec leurs familles dans la carrière pour manifester. Ils ont alors commencé à casser les machines et à rendre le site inutilisable, tout du moins ils ont essayé. Mon frère, fou de rage et voyant qu'il perdait le contrôle de la situation, a fait exploser tout le site.
- Non! Ce n'est pas possible, c'est horrible!
- Oui, Justine, il n'a pas eu égard à ses hommes, ceux dont il était responsable, ni même à leurs femmes et à leurs enfants!
- C'est un monstre!
- Et mon frère en même temps! L'explosion a recouvert les victimes mais aussi a fait que les eaux souterraines ont envahi la clairière et ont formé un lac qui, à cause des éboulements et des galeries comblées ou partiellement écroulées, provoque des remous et des siphons. C'est cela qui vous a entraîné vers le fond.
- Et pourquoi, votre frère nous a-t-il envoyé vers ce lac?
- Jo, on y est arrivé parce qu'on s'est perdu?
- Oui, Juju, mais regarde tous ces sentiers. Il débouche tous vers la lac. Si ce n'est pas pour nous y conduire, alors c'est pour quoi?
- Joachim a raison. Mon frère ayant perdu tout espoir, après son échec cuisant, de recevoir un quelconque titre de noblesse s'est pris un malin plaisir à détourner le plus de personnes possible vers ce lieu de malheur, dans la perspective de les faire disparaître.
- Et pourquoi vouloir faire tant de mal, monsieur Didyme?
- Il est des mystères, Justine. Je ne sais pas ce qui s'est réellement passé dans sa tête et ce qui s'y passe au fils des jours qui nous séparent de plus en plus. La nuit, il taille à la machette pour frayer de nouvelles voies vers le lac. Il écrase et dame de ses pieds inlassablement pour donner l'impression de sentiers utilisés régulièrement. C'est d'ailleurs comme cela qu'il s'est coupé deux orteils. Dans sa rage, et devant un arbuste qui lui résistait trop, il s'est entaillé profondément un soir de pleine lune. Il n'a a eu d'autre solution que de trancher complètement les deux doigts de pied de peur qu'une gangrène ne l'emporte. Quant à moi, je veille à ce qu'il ne fasse pas trop de mal. Je suis le gardien de cette partie de la forêt.
- C'est aussi ce qu'il nous a dit! Mais, il nous a menti. Si je le rencontre encore, je lui dirai tout ce que je pense de lui!
- Il n'en est pas le gardien, courageuse jeune fille, mais le fossoyeur. Par la force des choses, j'en suis le vrai gardien, mais je suis seul et je ne peux pas tout contrôler. Il arrive, malheureusement, que j'échoue à contrecarrer ses vils desseins. Je ne veux pas vous faire peur, mais pas plus tard qu'il y a une semaine, mon frère a conduit deux hommes à ce lac et les a laissé se noyer. Je n'ai rien pu faire pour les sauver! Ces victimes se sont ajoutées au nombre des découragés, des déçus de la vie, des manipulés de toutes sortes. Mais, je vais m'arrêter, je vois que votre grande sœur s'est endormie. Prenez aussi du repos. Je veillerai sur vous pendant votre sommeil. Dès l'aube, je vous indiquerai comment sortir de cette forêt afin que vous puissiez poursuivre votre route.

Suite de l'aventure la semaine prochaine...

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1 commentaire
  • Yvonne D'almeida Il y a 14 années, 10 mois

    Seigneur, au secours!!! je n'arrive pas du tout à comprendre ce que cet auteur dit "externe" veut nous apprendre au travers de cette interminable histoire. Seigneur, envoie vite ton Esprit saint nous guider dans le reste de cette lecture. Si ce message est réellement édifiant pour notre marche en avant dans la Foi, s'il te plait dis-le nous le plus vite que possible, sinon épargne tous tes enfants d'une quelconque errance!!! Que le SANG de Jesus entoure nos enttendements!!! Dans le NOM PUISSANT DE JESUS J'AI PRIE AMEN!!!