Les pertes

Les pertes
1. Le deuil est un processus psychologique suite à une perte

Lorsqu'on entend le mot deuil, le plus souvent nous le rattachons au décès d'un être cher. Mais le deuil étant enclenché par une perte, notre vie est jalonnée de deuils, plus ou moins importants.
La vie commence par des pertes: perte de l'état intra-utérin, sevrage du sein maternel…et Mélanie Klein affirme que " la façon de surmonter les deuils de la vie dépend de la façon dont les premiers deuils de l'enfance ont été passés ".
Il y a multiplicité de pertes et chacune peut faire très mal. Nous n'avons pas à juger de l'importance de la perte pour autrui.

Voilà quelques exemples de pertes:


- perte d'un objet auquel nous sommes attachés (cela peut être le perte du doudou pour le petit enfant!)
- perte du pays d'origine, de ses repères…dans le cas d'un exil.
- perte de la vie de famille lorsque les enfants quittent la maison
- perte de ses capacités physiques suite à un accident,
- passage d'une phase de la vie à une autre (fin de l'enfance, de l'adolescence, ménopause…)
- perte de son intégrité, de son identité dans le cas d'un abus sexuel.
- perte d'un enfant lors d'une fausse couche ou d'un avortement. Pour qu'il y ait deuil il faut que la réalité de la perte soit reconnue, ce qui n'est souvent pas le cas dans ces situations.
- perte d'un projet de vie (lors d'un divorce, d'un chômage…)

Cela m'amène à souligner qu'il y a des pertes secondaires rattachées aux pertes primaires et il est important d'explorer ces pertes secondaires.
Exemples: Dans le cas de la perte du conjoint, décès ou divorce, il y a des pertes financières, perte de compagnie, perte de relations sexuelles, perte d'aide, de soutien, perte d'amis parfois. Dans le cas de la perte de travail, il peut y avoir une perte d'estime de soi. La perte d'une habitation est aussi perte de lieux qui apportent une sécurité, évoque des souvenirs heureux, des occasions de retrouvailles.

Le deuil est un processus conscient par lequel nous nous détachons des personnes, des désirs, des biens que nous ne pouvons plus posséder.
Le deuil se fait aussi par rapport à ce qui nous manque : par exemple si j'ai manqué d'amour dans mon enfance, si je n'ai pas eu de père, si je n'ai pas eu l'occasion de faire des études, si je n'ai pas pu avoir d'enfant …j'aurais aussi à faire un deuil.

2. Processus de deuil


Dans le processus de deuil, il y a 3 composantes importantes: le temps, la parole, les émotions.
- Temps est une condition nécessaire mais non suffisante. La notion de durée normale n'a pas de sens. C'est un processus qui est plus ou moins long suivant les personnes et les circonstances. Le deuil devient pathologique quand une personne est coincée dans l'une des phases (le déni par exemple). Le processus de deuil peut parfois se réenclencher des années plus tard.
- Parole: ce n'est pas possible de faire un deuil sans l'exprimer par la parole.
La parole répétitive est importante, indispensable même dans le processus de deuil. Face à la durée les proches peuvent se lasser. La personne a besoin de parler et de reparler de la perte, plus ou moins selon l'importance de la perte.
- Émotions: ne pas les exprimer peut provoquer un deuil pathologique. Lorsque nous accompagnons des personnes dans le deuil nous avons à leur affirmer le droit d'exprimer leurs émotions, les accueillir les écouter. Parfois les aider à ne pas se sentir coupables de pleurer ou d'éprouver de la colère.

3. Etapes

Il est important d'être conscient que la personne passe par différentes étapes et qu'il nécessaire de les respecter. Et il arrive qu'elle fasse parfois des 'allers/retours' entre ces différentes phases.

- choc
L'état de choc est un changement d'état de conscience de l'évènement. Affronter la réalité est trop intense : le choc est un sas pendant lequel la personne se coupe de la réalité. Ce n'est pas pathologique. Il peut durer quelques minutes, quelques heures, peut aller jusqu'à 2 ou 3 jours. C'est un mécanisme de protection, cela se manifeste par le fait par exemple qu'une personne ne pleure pas, elle réagit comme un automate, elle peut rester prostrée, elle est comme anesthésiée.
Dans cette période cela ne sert à rien d'intervenir, il faut être là, à côté de la personne et rester disponible.

- déni
La personne nie la réalité, refuse de croire l'évènement. C'est l'expression de tout en nous qui résiste à la réalité : phrase qu'on entend 'c'est pas vrai'. C'est un mécanisme de protection. Dans le cas de décès il est important de voir la personne décédée : il est très difficile de faire le deuil d'une personne disparue car une partie de nous espère toujours le retour de la personne.
Dans ces phases les émotions sont bloquées, refoulées.

- confrontation à l'absence
Puis vient la première confrontation à l'absence C'est là que commence le deuil: vient alors la décharge émotionnelle. Ce flot d'émotions a besoin de s'exprimer sinon c'est le corps qui va parler (survenue de maladies somatiques). Les émotions que l'on cache ou que l'on nie sont des émotions qui ne guérissent pas, mais qui vont se tordre, se déformer pour nous enserrer dans un étau.
Le chagrin est un phénomène normal naturel et obligatoire pour remettre en ordre une vie brisée par une perte.

4. les émotions

- colère
Elle a une place importante dans le deuil. L'objet de la colère peut être un chauffard, un médecin, Dieu ou l'être disparu lui-même (je t'en veux de m'avoir abandonné) ou encore la colère contre soi-même (on peut se faire de reproches "si j'avais été là","j'aurais dû", etc…)
Il est souvent difficile d'exprimer cette colère mais se donner ou donner à autrui la " permission " de la ressentir et de la dire est une aide précieuse.

- tristesse
La tristesse est acceptée mais dans une certaine mesure quand même, à condition que cela ne dure pas trop et ne soit pas trop intense ! Car elle peut déranger. Pourtant pleurer délivre de la tension intérieure et cela participe à la guérison.
Toutefois certaines personnes peuvent contenir leurs larmes mais attention la personne est quand même fragilisée.
Les émotions peuvent aussi survenir de façon inattendue, liées à une rencontre, une musique, une odeur…et tout à coup la personne se met à pleurer et l'entourage n'en comprend pas toujours la raison.

- culpabilité
il y a peut y avoir de la culpabilité
- si nous avons secrètement désiré la mort de l'autre
- on peut se culpabiliser de ne pas avoir été là à temps, de ne pas avoir réagi, de ne pas avoir su entendre la détresse dans le cas d'un suicide par exemple
- l'enfant qui perd un de ses parents parfois croit que c'est de sa faute
- cela peut être la culpabilité d'être survivant
- certaines personnes pensent que c'est une punition de Dieu qu'elles sont coupables de gros péchés

- peur
- peur de faire face à l'avenir (ex financièrement dans le cas de la perte d'un conjoint)
- peur de ne pas s'adapter à une nouvelle situation, (ex dans la cas d'un déménagement, d'un changement de travail)
- peur de perdre à nouveau (ex dans la cas d'une perte intra-utérine peur d'être enceinte), peur de souffrir
La peur peut empêcher la personne de créer un nouvel attachement (pour ne pas souffrir mieux vaut ne pas s'attacher)

- dépression et solitude
L'être confronté à sa douleur pense que personne n'en a jamais ressenti de semblable et que personne ne peut vraiment comprendre, d'où un sentiment de solitude.
Et donc le risque de s'isoler et de se couper du monde extérieur est grand. Les symptômes comme les insomnies, perte d'appétit, d'intérêt, de plaisir ne sont pas à prendre à la légère. Parfois il est nécessaire de consulter.
Le problème est que la personne souffre quand elle est seule et souffre quand elle est en relation parce qu'il lui est difficile de se positionner par rapport aux autres. Où qu'elle soit la douleur est là.
Un temps est nécessaire où la personne doit se retrouver avec elle-même.

5. L'acceptation


L'acceptation c'est dire à nouveau "oui" à la vie.
La personne commence à accepter la nouvelle réalité et à reprendre goût à la vie
Elle se réinvestit dans un nouvel attachement, fait des projets, s'ouvre vers l'extérieur.
Parfois il y a des pardons à donner, peut-être à se donner.
S'il s'agit du deuil d'une personne : la personne décédée est acceptée comme définitivement absente, fait partie des souvenirs et n'empêche plus la personne de vivre.

Le réinvestissement de soi-même et l'ouverture vers les autres est alors possible.
La personne passe à un nouvel attachement: cela peut être un ré-attachement à Dieu, un recentrage sur Dieu. Si la personne est coincée à une étape elle n'arrive pas à renouer un lien, à s'attacher à nouveau.
La zone traumatisée peut rester fragile et refaire mal quand les circonstances extérieures sont là pour la stimuler. La douleur peut parfois revenir mais elle est tolérable, elle n'a plus un effet dévastateur.

Cette phase d'acceptation est une phase de croissance pour la personne

6. Importance du deuil

Nous faisons tous l'expérience de pertes dans la vie.
Il est important d'être conscient qu'il est normal de passer par le deuil, normal d'éprouver toutes sortes de sentiments (de la tristesse, de la colère, de la peur, de la jalousie, du mépris, de la haine). Et il est bon de pouvoir les exprimer.
On ne peut pas faire l'économie du processus de deuil: il est incontournable, garant de la guérison. C'est un processus de cicatrisation des blessures du cœur. Mais il demande qu'on accepte de faire face aux émotions qui émergent.
Si nous ne passons pas par le deuil nous restons agrippées à ces liens affectifs, nous ne pourrons pas aller de l'avant, nous serons comme paralysées.
Un deuil non exprimé, non résolu aboutit à la dépression. Mais il existe un chagrin qui débouche sur un coeur joyeux.
Le chagrin peut transformer un coeur. " Heureux ceux qui pleurent car ils seront consolés " (Mattieu 5:4). Le chagrin ouvre le coeur pour y laisser entrer un amour nouveau.
L'épreuve a changé quelque chose; quelqu'un a dit " la douleur ne laisse jamais l'homme au même point : elle l'aigrit ou le purifie ".

Le deuil est un processus par lequel nous nous détachons de ce que nous avons perdu. L'attachement aux choses du passé nous empêche de nous attacher aux choses nouvelles que Dieu a en réserve pour nous. La femme de Loth était fortement attachée aux choses du passé tellement qu'elle n'a pas su faire le deuil de ce qu'elle laissait pour se porter en avant, elle a regardé en arrière en soupirant après sa vie passée dans cette ville et elle devint une statut de sel (Genèse 19:26)
Jésus fait allusion à cette femme quand il parle de perdre sa vie: " Souvenez-vous de la femme de Loth. Celui qui cherchera à préserver sa vie la perdra et celui qui la perdra la retrouvera " (Luc 17:32-33)
On peut comprendre que si nous ne voulons pas faire le deuil de nos pertes, autrement dit si nous ne les relâchons pas, nous risquons de perdre notre vie.
Le lâcher prise nous permet d'accueillir le présent. Faire le deuil du passé nous ouvre la voie à une vie nouvelle. Il n'est jamais trop tard pour faire ce travail.

Il n'est pas facile d'accepter certaines pertes. Face aux pertes de notre vie nous pouvons nous poser beaucoup de " pourquoi " ?
Demandons à Dieu l'humilité pour reconnaître qu'il est souverain et que nous ne pouvons pas tout comprendre. On ne peut expliquer les mystères de la vie et de la mort.
Demandons lui la foi pour continuer à croire qu'il est amour dans toutes ces circonstances et que pour ceux qui l'aiment " Tout concourt à leur bien " Romains 8;28.
Demandons à Dieu la grâce de garder confiance en sa justice et son amour par delà les malheurs de notre vie.

Nous pouvons vivre la détresse, le chagrin, mais dans la paix que le Seigneur donne, la paix qui surpasse toute intelligence et surpasse nos incompréhensions, et avec la certitude qu'il est là, près de nous.

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(Romains 1.16)

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