Nouveau Testament et contexte culturel

Nouveau Testament et contexte culturel

Notre position d'"évangéliques fondamentalistes" nous fait parfois commettre des erreurs. Nous prétendons volontiers " croire toute la Bible et rien que la Bible, telle qu'elle est écrite, sans rien ajouter ni retrancher".

Cela sonne bien, mais ce n'est pas aussi simple.

Ce que nous croyons repose nécessairement sur l'herméneutique (ou art d'interpréter les textes), et certains, comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, font de l'herméneutique en l'ignorant. Déclarer que telle position est ou non scripturaire est donc essentiellement un problème d'herméneutique.

Une herméneutique intelligente et spirituelle s'appliquera à découvrir la pensée de Dieu derrière le texte, et fera donc prévaloir le fond sur la forme.

Question

Le Nouveau Testament est-il un livre dans lequel nous trouvons des recettes universellement applicables, ou est-il plutôt le véhicule de principes spirituels universels, dont nous voyons l'application concrète dans des situations étroitement liées au contexte culturel de l'époque ?

Ce qui nous empêche souvent de faire la différence entre le principe spirituel et son application pratique dans le contexte culturel de l'époque, c'est que cette application particulière est souvent imposée aux chrétiens de ce temps-là comme quelque chose de nécessaire.

Si nous lisons le Nouveau Testament comme un livre de recettes, nous transférerons sans réfléchir ces impositions à notre époque, et nous nous retrouverons esclaves d'ordonnances et de préceptes religieux n'ayant rien à voir avec le principe spirituel qui les avait inspirés il y a 20 siècles. On retombe alors dans un cas comparable, bien que dans un autre domaine, à Colossiens 2.20-23 :

"Si vous êtes morts avec Christ aux rudiments du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, vous impose-t-on ces préceptes : Ne prends pas ! ne goûte pas ! ne touche pas ! préceptes qui tous deviennent pernicieux par l'abus, et qui ne sont fondés que sur les ordonnances et les doctrines des hommes ? Ils ont, à la vérité, une apparence de sagesse, en ce qu'ils indiquent un culte volontaire, de l'humilité, et le mépris du corps, mais ils sont sans aucun mérite et contribuent à la satisfaction de la chair."

Si, au contraire, nous cherchons à dégager le principe spirituel sous-jacent de l'application pratique décrite et préconisée, voire même imposée, nous exercerons une herméneutique spirituelle et intelligente, et nous pourrons appliquer ce principe à notre temps, sans nous laisser impressionner par des ordres clairs qui à première vue sembleraient aussi s'appliquer à nous et qui ont eu leur raison d'être autrefois, mais qui sont aujourd'hui périmés ; car point n'est besoin d'être un théologien "libéral" pour reconnaître que certains textes sont, de toute évidence, liés au contexte de l'époque, et ne peuvent trouver leur application aujourd'hui ; par exemple :

"Quand tu viendras, apporte le manteau que j'ai laissé à Troas chez Carpus, et les livres, surtout les parchemins Tâche de venir avant l'hiver." (2 Timothée 4.13, 4.21)

Le problème est donc ainsi posé : Faut-il être fondamentaliste à la première manière, c'est à dire : "C'est écrit là, il faut le faire, ne discutons pas, obéissons ", ou faut-il rechercher au-delà de certaines injonctions de la Parole de Dieu le principe spirituel qui se trouve derrière, afin de nous y conformer dans notre contexte actuel ?

Voyons maintenant quelques principes spirituels que nous enseigne le Nouveau Testament dans plusieurs exemples. Nous énoncerons d'abord la teneur du principe spirituel enseigné, puis son application pratique à cette époque, et enfin les obligations que cette application entraînait pour les chrétiens de ce temps-là (non nécessairement applicables dans notre contexte actuel).

Exemple 1

1. Principe spirituel : Servir notre prochain dans l'amour

2. Application : Le lavement des pieds, Jean 13.1-17

3. Obligation : Jean 13.14-15 : Vous devez […] afin que vous fassiez…

1 Timothée 5.10 :Les veuves, doivent avoir […] lavé les pieds des saints.

Première façon : Le livre de recettes. Je prends la Parole de Dieu comme elle est, je la crois comme elle est, je l'applique comme elle est (Monsieur Jourdain faisant, sans le savoir, de la mauvaise herméneutique). Jésus a bien dit qu'il fallait se laver les pieds les uns aux autres ? Alors nous devons le faire !

Deuxième façon : Je cherche le principe spirituel sous-jacent (seule herméneutique intelligente valable), et je découvre que Jésus s'est rendu le serviteur de ses disciples, dans le contexte de son temps, sans s'arrêter à une question de rang ou de prestige, et cela par amour pour eux (v. 1). Je dois donc à mon tour être assez humble pour pouvoir accomplir n'importe quelle tâche subalterne, cirer les chaussures d'un frère, balayer la salle ou n'importe quoi d'autre pour servir mon prochain dans le contexte de notre vie actuelle.

Exemple 2

1. Principe spirituel : Ne pas choquer ou scandaliser les autres

2. Application : Interdictions imposées aux païens se convertissant à Dieu,

Actes 15.19-29 (Cf. Romains 14 ; 1 Corinthiens 8 ; 1 Corinthiens 10.23-33)

3. Obligation : Actes 15.28 : s'abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, etc.

Première façon : Le livre de recettes. La Bible interdit encore aujourd'hui de consommer pigeons et pintades (animaux étouffés), et le boudin (sang).

Deuxième façon : 1 Corinthiens 8 nous montre Paul parfaitement libre de consommer des viandes sacrifiées aux idoles, mais prêt, toutefois, à renoncer à cette liberté si elle risque de scandaliser. On retrouve le même principe dans Romains 14, où l'on comprend que ce qui est important n'est pas de savoir qui a raison, de celui qui mange ou celui qui s'abstient, mais c'est d'exercer l'amour et l'accueil mutuel, en évitant de blesser ou de choquer. De plus, Lévitique 17.11 nous éclaire sur la raison impérieuse, sous l'Ancienne Alliance, de s'abstenir de consommer le sang des animaux. Il avait été donné par Dieu sur l'autel comme préfiguration du sang précieux de Jésus. C'était l'ombre des choses à venir, mais aujourd'hui nous avons le corps : Christ. (Colossiens 2.17)

Exemple 3

1. Principe spirituel : Dieu a assigné à l'homme et à la femme des rôles qui ne doivent pas être inversés.

2. Application N° 1 : Les cheveux et le voile féminins, 1Corinthiens 11.3-15

3. Obligation : doit… ne doit pas… (différents versets)

On peut choisir d'appliquer la première ou la deuxième sorte d'herméneutique. Il est clair que le résultat ne sera pas le même dans ces deux cas. Dans le premier, asservissement légaliste à des pratiques surannées. Dans le second, vraie liberté en Christ, qui nous fait éviter ce que Paul condamnait déjà dans le texte de Colossiens 2.20-23, cité plus haut ("Ne prends pas ! ne goûte pas ! ne touche pas !").

4. Application N° 2 : La femme et l'enseignement, 1Tim 2.12

5. Obligation : "Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de prendre de l'autorité sur l'homme".

Si on perd de vue le contexte culturel de l'époque, on arrive à une herméneutique désastreuse de ces textes, visant à mettre un joug pesant sur la femme, alors que l'Évangile est venu précisément la libérer de l'asservissement qu'une société d'hommes avait si longtemps fait peser sur elle. Mais cette libération ne s'avéra pas sans problèmes ; toute émancipation entraîne des excès, que Paul entre autres a dû combattre pour rétablir l'ordre (Cf. 1 Corinthiens 14.33-40).

Cette herméneutique du "livre de recettes" est, en fait, extrêmement dangereuse. J'ose affirmer qu'après le péché, c'est l'arme par excellence dont Satan se sert pour contrecarrer l'œuvre du Saint-Esprit. Cette arme est très subtile. Elle nous exhorte à obéir, et nous rappelle volontiers que "la désobéissance est aussi coupable que la divination, et la résistance ne l'est pas moins que l'idolâtrie" (1 Samuel 15.23).

Mais en nous poussant à être plus fidèle à la lettre qu'à l'esprit, elle nous entraîne précisément vers ce que nous désirons fuir : l'idolâtrie ! Je m'explique :

Paul nous enseigne clairement qu'il existe deux domaines : la Terre et le Ciel (Cf. Colossiens 3.1-4 ; Philippiens 3.19-20), qu'il appelle encore "choses visibles et choses invisibles" (2 Corinthiens 4.18). À la chute, l'homme a perdu sa dimension spirituelle, son accès au monde spirituel de Dieu, et s'est trouvé en quelque sorte prisonnier de sa matérialité. Mais à notre conversion, le Saint-Esprit nous permet de transcender cette matérialité, en nous faisant renaître à la vie spirituelle, et en nous faisant "asseoir dans les lieux célestes en Jésus-Christ" (Ephésiens 2.6), où nous pouvons être "les adorateurs que le père demande", "en Esprit et en vérité" (Jean 4.23-24). La démarche va donc de la vie terrestre vers la vie céleste (Cf. 1 Corinthiens 2.9-10). Plus de Jérusalem ou de Mont Garizim, mais une communion spirituelle personnelle avec Dieu.

Dieu, qui est Esprit, veut donc élever sa créature jusqu'à son royaume spirituel, et il appelle "idolâtrie"' le chemin inverse, c'est à dire la tentative de faire descendre les valeurs qui n'appartiennent qu'à la vie céleste dans la vie terrestre. "Vous ne ferez point des dieux d'argent et des dieux d'or pour me les associer" (Exode 20.23). Il refuse d'être associé à une image matérielle le représentant et qui permettrait à l'homme d'exercer son adoration à ce niveau inférieur qu'est la vie terrestre.

Une herméneutique qui conduit à donner une importance spirituelle parfois capitale à des gestes (lavement des pieds), à des objets (foulard, cheveux, pantalons etc.), à des paroles (formule baptismale "bonne" ou "mauvaise"), toutes choses appartenant à la vie matérielle et terrestre, conduit, en fait, à une forme voilée d'idolâtrie, en dépit du masque d'obéissance à la Parole de Dieu qu'elle arbore.

Seule l'éternité révélera les dégâts que Satan a déjà faits par cette arme redoutable, qui ne se trouve pas entre les mains des ennemis déclarés de Dieu, mais bien de nos chrétiens consacrés et de certains de nos pasteurs !

Disons un mot de certaines institutions bibliques comme le Baptême et la Sainte-Cène, qui sembleraient contredire mon propos, puisque bien qu'étant des actes matériels, ils ont une connexité spirituelle. Tout d'abord, il ne s'agit plus d'applications temporelles de principes universels, mais d'actes institués et ordonnés par le Seigneur (Baptême : Matthieu 28.19 ; Marc 16.16 ; Actes 2.38, etc. ; Sainte-Cène : Luc 22.19 ; 1 Corinthiens 11.23-26, etc.). Ensuite, Dieu est souverain. Lui qui, dans la Loi, a interdit de faire des images taillées et de les utiliser dans un contexte sacré, a donné à Moïse l'ordre de faire des chérubins dans le tabernacle et à David la même chose dans le temple. Il sait que notre foi a besoin de points d'appui. C'est lui-même qui les choisit souverainement, mais il refuse de nous voir remplacer la foi qu'il réclame de nos cœurs par une marche par la vue, en matérialisant à notre gré les valeurs spirituelles.

Aussi longtemps que ces points d'appui conservent leur simple valeur de symboles, ils servent le plan de Dieu. Mais lorsqu'on commence à leur attribuer une valeur spirituelle intrinsèque, on entre de plain-pied dans l'idolâtrie : Le Serpent d'airain devenu Nehuschtan en est un frappant exemple (2 Rois 18.4). De même le baptême et l'eucharistie, qui sont devenus des sacrements, c'est à dire des actes quasi magiques opérant par eux-mêmes (opus operatum).

Prenons donc garde, dans notre louable désir d'être de bons fondamentalistes, de ne pas construire sur le fondement dangereux d'une herméneutique simpliste et légaliste.

Nous ne sommes pas enfants de l'esclave, mais de la femme libre. C'est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude.
Galates 4.31-5.1

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(Romains 1.16)

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