Exercer la compassion

Exercer la compassion

Le troisième chapitre de la Genèse raconte la désobéissance d’Adam et Ève au commandement que Dieu leur avait donné. Les conséquences de cet acte ont été incalculables : rupture de la relation entre Dieu et les humains ; des humains entre eux ; des humains avec le reste de la création. Nous vivons aujourd’hui dans un monde déchu, marqué par le péché, mais aussi par la souffrance, la maladie, la frustration, les conflits et la pauvreté.

Un Dieu qui exerce la compassion

Dans un tel contexte, nous avons tant besoin de compassion ! D’après l’Écriture, l’exercice de la compassion se voit d’abord en Dieu lui-même. Pour reprendre le magnifique résumé offert par un texte de la Réforme protestante :

"Nous croyons que notre bon Dieu par sa merveilleuse sagesse et bonté, voyant que l’homme s’était ainsi précipité en la mort, tant corporelle que spirituelle, et rendu entièrement malheureux, s’est lui-même mis à le chercher, lorsque l’homme s’enfuyait de lui tout tremblant, et l’a consolé, lui faisant promesse de lui donner son Fils, fait de femme, pour briser la tête du serpent, et le faire bienheureux. Nous confessons donc que Dieu a accompli la promesse qu’il avait faite aux anciens Pères, par la bouche de ses saints Prophètes, en envoyant son propre Fils unique et éternel au monde…" (Confessio Belgica, art. 17 et 18)

Si nous sommes appelés à exercer la compassion, c’est parce que nous bénéficions de la compassion de Dieu qui a eu pitié de nous lorsque nous étions dans une misère qui aurait été éternelle sans son intervention. Au sein d’un monde déchu, la compassion de Dieu nous ouvre une espérance.

Sentiment et action

L’expression « exercer la compassion » nous place à la fois dans le registre du sentiment et dans celui de l’action.

N’oublions pas les actes ! La compassion de Dieu ne nous aurait pas servi à grand-chose s’il n’avait pas agi en envoyant son Fils pour nous. Notre prochain dans la détresse a besoin d’un engagement concret. « L'homme dont le regard est bon est béni », nous dit le livre des Proverbes (22.9),  « parce qu'il donne de son pain au pauvre » et non pas parce qu’il est ému en regardant un reportage sur la famine ! La compassion dont ceux qui souffrent ont besoin est une compassion exercée et non pas seulement ressentie.

Ceci étant dit, il est normal et sain d’être ému et profondément touché par les besoins de notre prochain tant sur le plan spirituel que sur le plan matériel ou relationnel. Nous sommes entourés de tant de misères et de souffrances : nous ne devons pas nous y rendre insensibles, pour nous protéger. Certes, il est dangereux de se laisser guider uniquement par ses sentiments ou ses émotions ou d’être submergé par eux : il est aussi vrai qu’ils fluctuent et dépendent en partie de notre tempérament et des circonstances. Mais le danger de manquer de compassion, de devenir dur ou égocentrique existe vraiment. Nous avons besoin de revenir sans cesse à la compassion que Dieu a manifestée à notre égard afin d’y trouver les ressources nécessaires pour devenir nous-mêmes compatissants.

Qui a besoin de notre compassion ?

Tout le monde ! Dans un monde déchu, personne n’est totalement épargné par la détresse. Pour celui qui apprend à regarder les autres avec le regard de Jésus, les occasions d’être ému de compassion ne manqueront jamais.

Qu’il me soit permis ici de braquer les projecteurs sur la situation de ceux qui vivent dans la pauvreté. Celle-ci consiste à souffrir de carences dans la satisfaction de ses besoins de base et à être vulnérables face à différentes sortes d’injustices. Elle prend divers visages selon qu’il s’agit de la pauvreté dans les pays occidentaux ou dans les pays du Sud, mais toujours, la pauvreté, avec ses relations abîmées et brisées, avec ses manques et ses souffrances, nous dit quelque chose de la situation de l’humanité toute entière devant Dieu. Plus que cela, elle nous appelle à agir, à exercer la compassion.

Face à la pauvreté, certains récusent aujourd’hui la notion de compassion. Ils veulent uniquement entendre parler de justice. La compassion aurait des relents de commisération ou de paternalisme. Le pauvre n’aurait pas besoin que l’on exerce la compassion en sa faveur, mais qu’on fasse respecter ses droits. Je comprends cette position, mais je suis obligé de constater que la Bible a plutôt tendance à mettre ensemble justice et compassion – ou miséricorde (cf. Michée 6.8, Daniel 4.24, Zacharie 7.9 pour quelques exemples). Ne séparons pas ce que Dieu a uni !

Et en pratique ?

Que faire pour exercer la compassion ? Il peut être nécessaire de rappeler l’importance de poser des actes simples, mais parfois coûteux, comme le fait de donner de l’argent à ceux ou pour ceux qui en ont besoin. Dans le Sermon sur la montagne, Jésus semble présupposer que ses disciples font l’aumône (Matthieu 6.1-4) ou, comme le dit une autre traduction, font des actes de compassion. Choisir consciemment de mettre à part une partie de ce que l’on possède pour le donner à ceux qui sont dans le besoin, dans l’Église d’abord, mais aussi dans le monde, au près, mais aussi au loin, représente une bonne discipline. Parfois ceux qui vivent dans la pauvreté sont un exemple de partage et de compassion pour ceux qui sont encore plus malheureux qu’eux.

L’exercice de la compassion pourra aussi se traduire par une implication plus personnelle. Parrainer un enfant qui vit dans la pauvreté donne l’occasion de lui écrire et de l’encourager, de lui faire entendre un message d’espérance qui a le potentiel de l’aider à aller plus loin dans la vie. Le bénévolat est une autre manière de donner de son temps et de sa personne pour traduire en actes la compassion. Un autre domaine dans lequel la compassion trouve à s’exprimer consiste dans différentes formes d’accueil et d’hospitalité à l’égard de personnes qui vivent diverses situations de détresse.

Je terminerai en évoquant la figure du Bon Samaritain qui voit le blessé sur le chemin, qui a compassion de lui et qui se met à l’œuvre (cf. Luc 10.33-35). L’interprétation précise de la parabole donnerait lieu à beaucoup de débats, mais deux choses sont sûres : d’abord que si nous sommes chrétiens, nous nous sommes trouvés un jour dans la situation du blessé et que Jésus s’est conduit à notre égard comme le Samaritain. Ensuite que si nous attachons vraiment à Jésus, qui est venu nous chercher quand nous étions perdus, comme un berger qui cherche une brebis égarée et la met avec joie sur ses épaules quand il l’a trouvée (Luc 15.4-6), alors cela transformera notre regard, nos sentiments et notre attitude à l’égard de ceux que Dieu placera sur notre chemin. C’est dans l’attachement à la grâce que nous apprendrons concrètement à exercer la compassion.

Daniel Hillion

Responsable des relations avec les Églises au SEL

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