Les aventures de Patrick : 3ème borne

Les aventures de Patrick : 3ème borne

Courir, courir, toujours courir. Quand s'arrêteront-ils ? Pourquoi ne pas avoir utilisé la voiture? Patrick est épuisé. A peine a-t-il rejoint les autres qu'ils repartent en avalant les rues, stations de métro et autres avenues. Cette fois, il n'en peut plus, ses forces et sa volonté l'abandonnent.

- Patrick, qu'est-ce que tu fais ? lui dit Manu en revenant sur ses pas.

- J'en ai marre. C'est tout, je ne fais plus un pas de plus.

- T'es fou! Tu veux nous faire coincer ?

- Coincer pourquoi ? Tu peux me le dire ?

- On n'a pas le temps. Je t'expliquerai plus tard.

- Non! c'est maintenant. Je ne bouge plus si tu ne me lâches pas enfin le morceau.

- Eh bien, reste-là. Qu'est-ce que tu crois ? Je suis pas ta mère.

- Et puis quoi encore, c'est toi qui m'as embarqué dans cette histoire.

- Peut-être, mais c'est chacun pour soi !

- C'est ça, faux frère, va-t-en, crie Patrick tout en cachant sa peur de se retrouver seul.

- T'es qu'un gamin. Sergio avait raison. Je n'aurais jamais dû te prendre avec nous.

- Non, c'est moi qui n'aurais pas dû suivre des nazes comme vous !

- C'est pas ce que tu disais hier et cette nuit.

- C'est que...

- Ça va, n'en dis pas plus. Tu resteras toujours une girouette, mais fais gaffe, ne deviens pas une balance. Parce que là, tu le paierais sûrement. Débrouille-toi pour rentrer chez toi et oublie-nous, c'est le mieux que tu as à faire.

Patrick voit Manu disparaître dans la foule sans même avoir la force de bouger le moindre muscle. Il reste là figé quelques instant, le regard dans le vide, le souffle court, l'esprit absent. Lorsqu'il remonte à la surface de la station de métro, il ne sait de quel côté se diriger. Brusquement, une main vient lui saisir l'avant-bras. Apeuré, il se défait de cette emprise et se retourne dans une position agressive. Il a alors devant lui Chloé qui remet une mèche rebelle en place.

- Va-t-en! Rejoins les autres. J'ai pas besoin de toi.

- Fais pas l'idiot, je suis de Bruxelles et il n'y a que moi pour t'aider.

- Qu'est-ce que tu proposes, grommelle Patrick.

- On va chez moi et quand mon père sera rentré, il te conduira jusqu'à la gare et te paiera un billet pour retourner.

- Il n'en est pas question! On va directement à la gare.

- Je veux bien, mais avec quel argent tu vas payer le ticket ?

Patrick n'a pas besoin de plonger sa main dans sa poche. Il sait qu'elle est vide. Ne voyant pas d'autre issue, il se voit contraint de suivre Chloé, en silence, tout en ruminant sa rancoeur; plus jamais on ne le reprendra à faire confiance à qui que ce soit. Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, deux policiers terminent un contrôle de routine sans avoir remarqué une BMW grise stationnée dans la rue.

- On arrive. Encore deux rues et on y est, dit Chloé avec un sourire qui change son expression habituelle.

Le jeune homme est étonné de ce que les choses peuvent si rapidement se transformer, tourner du rêve au cauchemar, de la confiance à la méfiance, d'un visage triste à un léger sourire.

- Voilà, nous y sommes.

Patrick est perplexe devant l'aspect luxueux du bâtiment.

- Dépêche-toi !

Un imposant portail donne sur une cage d'escalier non moins imposante. Il hésite à monter sur la première marche. Ce n'est pas parce que les évènements se sont bousculés qu'il ne réfléchit plus. Et si c'était encore un coup fourré, ou pire un piège.

- Alors, tu te décides ! Tu ne vas pas attendre dans le hall d'entrée, lui dit Chloé agacée de le tirer comme un boulet.

Au sommet d'une rampe, les deux jeunes franchissent une porte qui donne sur un petit vestibule où ils accrochent leur manteau et blouson. Ensuite, ils mettent pied dans un salon qui impressionne Patrick. Il n'a jamais vu d'intérieur aussi richement décoré. Bien sûr ce n'est pas selon ses goûts, mais il devine que chaque meuble ou objet représente une importante somme d'argent. Il doute encore que Chloé habite vraiment dans cet endroit. Pourtant, elle a bien les clés et elle paraît tout aussi à l'aise que dans le vieux canapé miteux d'hier.

- Assieds-toi, je reviens. Si tu as soif, sers-toi dans la cuisine, l'invite Chloé.

Perdu au milieu de la pièce, Patrick reste immobile tandis que ses pensées l'assaillent. Elles le bousculent en son for intérieur, le troublent, l'effraient quelque peu, lui tournent la tête et le font vaciller à un tel point qu'il tombe dans le divan, à moins que cela ne soit en raison de la fatigue et du manque de nourriture. Luttant contre le sommeil, il sursaute quand la jeune fille revient le surprendre un fois de plus en posant sa main sur lui.
- Qu'est-ce que tu penses de mon chez moi? Cela change du trou à Manu, sourit Chloé qui a échangé ses vêtements noirs contre d'autres plus classiques et colorés.

- Il fait quoi comme métier ton père ?

- Directeur d'une société d'importation de marchandises provenant d'Asie.

- Pourquoi tu traînes avec Manu et Sergio ?

- Cela t'étonne, hein ? Tu vois, j'en avais ras-le-bol de mon milieu. J'étouffais. Alors, j'ai voulu changer d'air et voir de l'autre côté du miroir.

- Et ton père ne dit rien ?

- Il ne le sait pas. Je lui invente à chaque fois des histoires du style : " Je suis chez une copine pour la nuit ".

- Il ne vérifie jamais ?

- Il n'a pas le temps d'être directeur et père à la fois.

- Manu et Sergio sont au courant ?

- Tu en poses des questions. Tu te rattrapes, lui répond Chloé avec un éclat de rire.

- Ils sont déjà venus ici ?

- Non, surtout pas! Tu crois que je ferai confiance à des gars dans leur genre. Je prends parfois des risques, mais je ne suis pas folle. Moins ils en savent et mieux cela vaut pour moi. Ces deux salauds finiront en prison ou morts. D'ailleurs cette aventure s'arrête là pour moi.

- Tu ne penses pas que tu exagères un peu.

- C'est toi qui dit cela ? Il n'y a pas plus d'une demi-heure, tu maugréais sur tes deux compagnons de virée. Que tu es naïf! Ecoute, je vais te raconter l'épisode précédent. Manu et Sergio avait ramassé un jeune à Liège. Ils lui en ont mis plein la vue et les sens pendant trois jours. Est venu alors le pourquoi de leur imprévue amitié; ils l'ont entraîné à commettre un vol dans une bijouterie. Cela a très mal tourné et le jeune s'est fait coincer par les propriétaires. Il s'est littéralement fait massacrer à coups de batte de base-ball. Et tu sais pourquoi ?

- Non, répond Patrick mi-intrigué, mi incrédule.

- Au moment où cela a mal tourné. Ils se sont tout simplement tirés. Ils l'ont avandonné et ne lui ont laissé aucune chance de s'enfuir avec eux.

Patrick est pétrifié. Ainsi, il était probablement le suivant. Non ce n'est pas possible. Sergio peut-être, mais pas Manu.

- Qu'est-ce que tu me racontes ? Tu me mènes en bateau. Tu ne sais plus quoi dire pour te rendre intéressante.

- Ah oui, et d'où venait l'argent à ton avis ?

- Je sais pas, la drogue peut-être ?

- Alors, pour toi, c'est mieux de fourguer de la pourriture à des jeunes paumés. Tu n'es pas le genre de gars à t'étouffer par de scrupules. Que ce soit sur le dos de drogués, c'est pas grave, mais quand il s'agit de ta petite personne, là c'est pas possible à accepter. Réveille-toi! Manu et Sergio c'est pas du joli monde. Ils trempaient dans bien des affaires louches et scabreuses. Alors, tu comprends que je ne tiens plus du tout à être dans leur compagnie.

- C'est dégueulasse ! T'es aussi coupable qu'eux. Si c'est vrai, tu as laissé faire sans rien dire. Quand est-ce que tu l'aurais dit si je n'avais pas continué à suivre Manu ? Quand j'aurais été pris par les flics ou tabassé comme l'autre ? Et lui, le jeune de Liège, pourquoi il n'a pas été porter plainte à la police? Tu peux me le dire ? Ton histoire, je sais pas si elle tient vraiment la route. Tu prends le bon rôle et tu charges Manu et Sergio. C'est un peu trop facile. Je suis pas si naïf, comme tu le dis.

- Tu as raison, je ne suis pas fière de moi. C'est pour cela que je suis revenue vers toi. J'ai eu peur. Je m'en suis voulue après coup. Pour ce jeune, il était trop tard. Il ne pouvait pas aller se plaindre vu qu'il avait été surpris en flagrant délit d'intrusion et de vol. Mais pour toi, je me suis dis qu'il y avait moyen de ne pas en arriver là. Je regrette...

- Tu crois qu'il suffit de regretter. Mademoiselle fait une bonne action qui efface tout. On oublie tout et on redevient une petite fille de riches qui n'en a rien à foutre des autres, réplique sèchement Patrick qui ne veut pas lui montrer qu'il la croit maintenant.

- N'empêche que j'aurai pu rentrer directement chez moi et ne plus jamais revoir aucun d'entre vous.

- Oui, tu peux également me mentir, me dire qu'une partie de la vérité. La vérité selon Chloé, cela conduit où cela ? poursuit Patrick sur un ton blessant.

- Crois ce que tu veux. J'ai vraiment voulu te tendre la main. Maintenant, si tu veux pas de mon aide, tu peux partir. Je ne te retiens pas.

- Je rêve! Tu m'emmènes jusqu'ici pour me dire que tu m'as regardé foncer droit dans le mur, sans rien dire, et tu voudrais que je me mette à tes pieds pour te remercier. Mademoiselle veut qu'on lui soit reconnaissante...

- Non, mais tu n'es pas obligé d'être aussi cassant. Ce n'est pas de ma faute si tu n'as pas voulu ouvrir les yeux sur leurs magouilles. Tu ne t'es pas posé trop de questions parce que cela t'arrangeait bien.

- C'est facile à dire pour toi. Tu sais ce qu'ils complotaient et tu attendais la suite du spectacle. Enfin, je ne vois pas pourquoi je parle encore. En plus, ton père ne croira jamais ce que tu lui diras à mon sujet.

- Ne t'en fais pas, je vais trouver quelque chose.

- Pour tromper, je te fais confiance. On me l'a déjà fait le coup du " ne t'en fais pas, je m'occupe de tout ".

- Attends, je vais téléphoner à une amie. On va tout arranger, lui propose Chloé en se dirigeant vers une autre pièce de l'appartement.

Elle téléphone peut-être à la police ou à Manu et Sergio? Finalement on est peut-être pas chez elle? Ils préparent un nouveau coup. Non! Enfin je ne sais pas... De toutes manières, c'est trop risqué.

Patrick se relève instinctivement. Il va jusqu'au vestibule où il endosse son blouson et quitte ces lieux qu'il n'oubliera pas, tout en saisissant un sac qui traîne au pied du porte-manteau.

Il a honte du vol qu'il vient de commettre, mais il n'a pas le choix. Il se sent coincé tel un rat que l'on pourchasse sans répit. Il espère entrevoir la fin de ce cauchemar. Rentrer chez lui, voilà tout ce qu'il désire. Peu lui importe la sanction qui l'attend à son retour, il n'aspire qu'à revoir le vieux papier peint défraîchi du hall d'entrée de sa maison.

La suite de l'aventure la semaine prochaine

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