Derrière la vitre fumée

1er Acte :
Et vas-y que je tire.. et que je pousse… et que j’arrache… Un autre bambin pique la poupée de la petite fille.  En essayant de la récupérer, elle reçoit un coup de poing en plein visage ! Pleurs et désarroi. Ce n'est pas facile de voir son enfant agressé par les autres.

Cela se passe dans le cadre d’un programme de recherche à l’université Mc Gill. Nous, les parents, nous sommes derrière une vitre fumée et nous sommes invités à observer nos enfants, âgés de 6 à 15 mois qui " jouent " ensemble : dans un autre coin, une fille mord l'épaule d'un garçon et trois enfants se disputent le même jouet.
Il y a ceux qui disent que les enfants sont nés bons et sages et que c'est la faute de la société s’ils font du mal aux autres. Je les invite à venir voir derrière la vitre fumée…
Et, avec l'âge, à votre avis, est-ce que ça change tant que ça ?

2e Acte :
Me voici à présent dans un petit groupe, lors d’un séminaire de Relation d'Aide. Nous devons imaginer des pistes possibles, pour un cas d'étude, afin de les présenter ensuite en réunion plénière. En ce qui me concerne, je suis convaincue que les pistes que j’ai trouvées sont parfaites, mais le hic, c’est que les autres dames de mon groupe sont aussi certaines de leurs pistes que moi. Place aux débats, et au ton qui monte, il n’y a pas vraiment beaucoup d'écoute ; tout le monde défend ses idées, coupe la parole de l’autre, bref, le but de l’exercice est perdu. Et vlan, un petit retour à la vitre fumée. C'est terrible quand la mécanique de l'orgueil se met en marche !

Finalement, l’une des participantes, exaspérée, quitte le groupe pour prendre l'air. J'entends des murmures et des qualificatifs à gauche et à droite : " tétu, " " rien compris " " aucun sens "...... " AVEC BEAUCOUP DE PAROLES, ON NE MANQUE PAS DE PECHER ".

Il nous reste dix minutes et rien n’est écrit pour la réunion plénière. C'est la première fois que je doute qu’ " IL Y A DU SALUT DANS LE GRAND NOMBRE DE CONSEILLERS " !

Bien sûr, nous avons fini par présenter quelque chose en plénière et c’était en fin de compte assez intéressant. Quelques participantes ont gardé leur calme et ont présenté plusieurs sketchs appréciés par l’assistance.

Quant à moi, je n'étais pas satisfaite de moi : Pourquoi est-ce si difficile de travailler ensemble ? 

Si ma mère s’était trouvée derrière cette " vitre fumée " ce jour là, elle n'aurait probablement pas trouvé cette femme qui démontre " CETTE GRACE QUI MERITE L’HONNEUR ".

Je croyais avoir donné mon " moi " au Seigneur ; mais, comme les enfants du 1er acte, j'essaie souvent de le reprendre, comme une poupée que quelqu’un d’autre m’aurait piquée.

Love,