La Musique

La Musique

Cher Pasteur,

Si tu ne l'as déjà été, tu seras un jour ou l'autre confronté aux controverses que soulève ici et là le sujet de la musique chrétienne. Je n'ai nullement la prétention de détenir la vérité absolue dans ce domaine, mais je voudrais simplement te faire part de mes réflexions, inspirées d'une vie dans laquelle la musique a joué un grand rôle.

À l'âge de cinq ans, je me suis plongé avec délectation – va savoir pourquoi –dans un ouvrage qui, habituellement, suscitait plutôt un sauve-qui-peut général. C'était "Le Livre de Musique" par Claude Augé, un livre de solfège, qui commençait ainsi :

La musique est l'art de combiner les sons d'une manière agréable à l'oreille.

Soixante dix ans plus tard, après avoir amplement solfié, chanté, composé, harmonisé, instrumenté, bref, après avoir combiné des sons d'une manière plus ou moins agréable à l'oreille, je reviens sur cette définition, qui me semble renfermer en germe tous les éléments que l'on peut objectivement trouver dans la musique.

Les sons. Un son est un phénomène vibratoire physique, caractérisé par sa hauteur, son intensité et son timbre. Mais cette vibration ne peut être appelée un son qu'en relation avec l'audition.

L'oreille. Elle est l'organe qui nous permet d'entendre les sons. Sans elle, les sons n'existent pas pour nous (bien que certains sons graves de forte intensité puissent être perçus au niveau de l'abdomen). Ces simples constatations nous montrent à l'évidence que la musique affecte en premier lieu notre corps.

Combiner. Une musique est une combinaison de sons ; de différentes hauteurs (la mélodie) ; de différentes durées (le rythme) ; entendus ensemble (l'harmonie) ; de différentes intensités (les nuances) ; de différents timbres (les instruments). Et c'est l'agencement de ces divers paramètres qui détermine le caractère de la musique.

Agréable. Qui peut réellement définir une notion aussi subjective que l'agrément ? Tel raffole des olives, tel autre les exècre ! L'un se délecte d'une certaine odeur, alors que l'autre la trouve infecte ! Et on pourrait multiplier les exemples, pour en fin de compte conclure : c'est une affaire de goût ! Mais ce goût, qui fait trouver une chose agréable ou désagréable, n'est pas une valeur fixe dans le temps. Il peut s'éduquer, et j'oserais dire s'affiner. Lorsque j'ai commencé à faire du portrait photographique, j'étais assez satisfait de mes résultats. Mais quand j'eus travaillé un certain temps chez un photographe, et appris le métier, je découvris tous les défauts de mes premières œuvres. Mon goût s'était affiné avec mon apprentissage.

Il est indéniable que le goût en musique évolue avec le temps et la culture, et que la notion du beau est éminemment subjective. Un grand musicien de ma connaissance l'exprime ainsi : "il est très possible qu'une harmonie Fauréenne paraisse étrange et pourquoi pas, perversion de l'harmonie, au paysan chinois qui danse sur les fraîches sonorités pentatoniques."

Répétons-le, la perception du "beau" est subjective, et peut varier. Une trop longue habitude d'une certaine harmonie peut finir par être ressentie comme de la grisaille, qu'il conviendrait de pimenter quelque peu (par exemple avec une rythmique plus marquée et omniprésente, ou de virulentes dissonances, etc.), ce que nos musiciens modernes ne se sont pas privés de faire ! À s'habituer à mettre trop de sel dans sa soupe, on finit par manger de la saumure !

Venons-en maintenant à l'aspect spirituel de la musique. On entend beaucoup d'affirmations étranges : musique "divine" ou "diabolique", musique "chrétienne" ou "du monde". Nous venons de voir que la musique est un phénomène physique sonore. Comment un son peut-il être divin, diabolique, chrétien ou du monde ? Selon certains, la source d'inspiration musicale d'un compositeur est soit Dieu, soit Satan. J'affirme pour ma part que toute inspiration musicale est surtout une affaire d'esthétique humaine. Que cette esthétique et ses objectifs puissent être dans certains cas influencés par le Maître que l'on sert, voilà qui est plus que probable. Que Dieu ou Satan puisse se servir de la musique est aussi une question très importante qu'il ne faut pas négliger.

Cela nous amène à considérer la musique dans ses effets. Phénomène purement physique qui affecte notre corps, la musique n'est pas neutre dans ses conséquences sur notre psychisme. Elle suscite l'émotion qui dispose l'âme. Si une musique provoque une belle émotion (et on a bien le droit de classer les émotions en bonnes ou mauvaises) elle est sûrement belle, si elle en provoque une vilaine, elle est sûrement mauvaise !

Dans les deux textes qui suivent, elle peut être :

excitante :

"Et si la trompette rend un son confus, qui se préparera au combat ?" (1 Co. 14.8).

ou apaisante.

"… David prenait la harpe et jouait de sa main ; Saül respirait alors plus à l'aise et se trouvait soulagé…" (1 Sam. 16.23)

Elle a donc la redoutable faculté d'agir sur l'âme, en bien comme en mal. C'est un soc qui ouvre la terre de notre moi intérieur, le rendant accessible aux influences spirituelles, au bon grain comme à l'ivraie. C'est un véhicule qui les fait pénétrer en nous à notre insu. Mais ce que beaucoup ne comprennent pas, lorsqu'ils prétendent apporter l'Évangile avec absolument n'importe quel style de musique, c'est que le bon grain ne s'accommode précisément pas avec n'importe quel style, et qu'il existe des véhicules pollués qui détruisent leur contenu ! Les objectifs et l'esthétique du hard rock, par exemple, semblent incompatibles avec le message de paix de l'Évangile, puisque son but déclaré est de crier sa révolte.

Je n'ai nulle envie de citer des cas de graves erreurs commises dans ce domaine avec les intentions les plus louables, bien qu'ils soient légion à notre époque de confusion spirituelle.

Mais je veux relater un frappant exemple de l'effet bénéfique de la musique dans le domaine spirituel. Nous l'avons vécu lors d'une visite en famille dans l'église de Sandefjord, en Norvège. Notre fils Willie, violoncelliste, et Dominique, pianiste (sa fiancée à l'époque), étaient avec nous. Le pasteur me demanda si nos enfants voulaient bien jouer plusieurs morceaux au cours de la réunion, tout en me prévenant, en forme d'excuses, qu'en Norvège, dans les églises, on n'avait pas l'habitude d'applaudir. La réunion commença ; Willie et Domi jouèrent plusieurs morceaux qui, au grand étonnement du pasteur, déchaînèrent des tonnerres d'applaudissements !

Vint le moment de la prédication. Je donnai un message pour les non-chrétiens, et terminai avec un appel, car je sentais clairement que le Saint-Esprit était à l'œuvre. Personne ne répondit à l'appel. Je laissai donc la place au pasteur, qui se sentit poussé à faire un nouvel appel, de nouveau sans résultat. Il s'apprêtait à clore la réunion, quand il se tourna vers moi et me demanda si on pouvait encore entendre un dernier morceau. Les gens, qui s'étaient déjà mis debout pour un moment de prière, reprirent leur place, et Willie et Domi jouèrent l'Élégie de Gabriel Fauré. La dernière note éteinte, il y eut un silence. Pas un seul applaudissement, cette fois, mais un recueillement saturé de la présence de l'Esprit de Dieu. Le pasteur se leva, et fit un troisième appel ; et là, un homme vint en pleurant sur le devant pour donner sa vie à Christ !

L'Élégie de Fauré n'a jamais converti personne, à ma connaissance. Mais cette musique, que d'aucuns qualifieront de "profane", ou "du monde", eut pour effet de disposer le cœur de cet homme, afin qu'il pût recevoir des mains de Jésus le don de la vie éternelle.

 

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1 commentaire
  • advent Il y a 7 années, 11 mois

    Merci beaucoup Jean Claude je me sens moi seul après avoir lu votre très pertinent message,, ceci explique cela et à chacun ses goûts, c'est comme le fait que Dieu regarde au coeur et non à l'apparence, pour les sonorités c'est pareil, c'est ce qui motive le musicien qui compte, pas l'élément sonore Combien de belles et harmoniques arias dans nos chansons populaires ou morceaux classiques ont véhiculer des conceptes malsains. Que Dieu vous benisse