Un jugement exercé

Un jugement exercé

Cher Pasteur,
Tu es tout aussi bien que moi au clair sur la sévérité de l'Écriture concernant le fait de juger son prochain, et certains textes te sont familiers, par exemple :

"Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l'on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez." (Matt. 7.1-2),

texte suivi de l'histoire bien connue de la paille et la poutre. L'apôtre Jacques nous met aussi en garde : "… toi, qui es-tu, qui juges le prochain ?" (Ja. 4.12)

Cependant l'apôtre Paul reproche aux Corinthiens leur incapacité à juger :

"Quelqu'un de vous, lorsqu'il a un différend avec un autre, ose-t-il plaider devant les injustes, et non devant les saints ? Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? Et si c'est par vous que le monde est jugé, êtes-vous indignes de rendre les moindres jugements ? Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? Et nous ne jugerions pas, à plus forte raison, les choses de cette vie ?" (1 Co. 6.1-3)

Il n'y a pourtant aucune contradiction entre Jacques et Paul. Dans les textes ci-dessus, Jésus et Jacques parlent de porter un jugement global sur son prochain, c'est-à-dire de se croire capable de déterminer la valeur d'un individu ; Paul, au contraire, évoque la nécessité de juger la qualité des actes et non de la personne.

Cette capacité de juger sainement des actions, des comportements, et même parfois des intentions est indispensable à tout conducteur spirituel. C'est ce qui lui permet de se rendre compte de l'état spirituel des membres dont il a la responsabilité, et de leur venir en aide, ainsi que d'exercer, lorsque c'est nécessaire, la discipline de l'église.

Cependant, cette aptitude implique un minimum de stature spirituelle, et c'est une des raisons pour lesquelles Paul exige qu'un conducteur ne soit pas un nouveau converti (1 Tite 3.6). L'auteur de l'épître aux Hébreux reproche à ces derniers leur infantilisme spirituel, et leur dit :

"Vous, en effet, qui depuis longtemps devriez être des maîtres, vous avez encore besoin qu'on vous enseigne les premiers rudiments des oracles de Dieu, vous en êtes venus à avoir besoin de lait et non d'une nourriture solide. Or, quiconque en est au lait n'a pas l'expérience de la parole de justice ; car il est un enfant. Mais la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux dont le jugement est exercé par l'usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal." (Héb. 5.12-14)

Il s'agit ici d'une capacité au jugement que confère l'expérience. Ce jugement procède de l'intelligence renouvelée, selon ce qu'affirme Paul :

"Mais l'homme animal (irrégénéré) ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge. L'homme spirituel, au contraire, juge de tout, et il n'est lui-même jugé par personne." (1 Co. 2.14-15)

Il est cependant impératif de se méfier des erreurs de jugement, qui peuvent causer beaucoup de souffrance. Anne, la mère du prophète Samuel, en fit la cruelle expérience avec le sacrificateur Éli :

"Comme elle restait longtemps en prière devant l'Éternel, Éli observa sa bouche. Anne parlait dans son cœur, et ne faisait que remuer les lèvres, mais on n'entendait point sa voix. Éli pensa qu'elle était ivre, et il lui dit : Jusques à quand seras-tu dans l'ivresse ? Fais passer ton vin." (1 Sam. 1.12-14)

De telles méprises ne sont pas rares chez certains serviteurs de Dieu qui manquent du discernement le plus élémentaire, englués qu'ils sont dans leurs schémas préétablis. Ils veulent couler tout le monde dans le moule de leurs préjugés, qui sont, la plupart du temps, des métastases de leur légalisme. Et cela donne une ribambelle de clones pseudo-spirituels, qui sont reconnaissables de loin par l'odeur pharisaïque qu'ils répandent, qui n'a rien à voir avec la "bonne odeur de Christ" (2 Co. 2.15)

Que la base de notre jugement se borne à être la parole de Dieu, et laissons les gens s'épanouir dans une vie spirituelle qui leur est propre, car pourquoi mes préjugés seraient-ils les meilleurs ?

Le pasteur est donc appelé à exercer un jugement, mais dans les strictes limites du ministère. Répétons-le, ce jugement concerne la qualité des actions, des comportements, éventuellement des intentions et non de la personne.

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